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L’éradication des animaux domestiques pour la préservation des Galapagos

Dépêche AFP

lundi 26 juin 2006

Depuis leur hélicoptère, les gardes du parc national des Galapagos ajustent leur cible dans la lunette de leur fusil et s’apprêtent à "éradiquer" un troupeau d’une centaine de boucs et chèvres sauvages afin d’assurer la préservation de l’archipel équatorien.

"Pour que les Galapagos vivent, tous les animaux, chiens, chats, chèvres et ânes, introduits par l’homme dans l’archipel, doivent périr", affirme l’un des gardes en rechargeant son arme, à 60 mètres au-dessus de la végétation aride.

En contrebas, le "bouc Judas", un mâle en chaleur aux cornes peintes en rouge par les gardes et équipé d’un collier qui émet des signaux infrarouges, rejoint les survivants du troupeau éparpillés. Dès que le pilote repère l’animal sur l’écran de contrôle, une fusillade nourrie reprend.
M. Felipe Cruz, qui dirige le projet d’éradication des chèvres des Galapagos, explique que la présence croissante sur l’île d’Isabela de ces herbivores féroces amenés par les pirates est à l’origine de la disparition partielle des tortues géantes qui manquent de nourriture. Environ 90% des tortues géantes ont disparu en trois décennies et leur population a été réduite à une dizaine de milliers.

"Nous avons reçu plus de 3 millions de dollars pour la chasse à la chèvre et nous en avons déjà tué 80.000", ajoute-t-il, précisant qu’à l’avenir les chiens, les chats, les ânes et les porcs subiront le même sort.

Cette mission dispose d’un crédit de 12,5 millions de dollars de la fondation Charles Darwin, un organisme destiné à préserver l’environnement et la recherche dirigé par des scientifiques européens et américains.

Toutefois la perception des Galapagos par de brillants chercheurs étrangers comme "une vitrine et un laboratoire de l’évolution" laisse indifférents les habitants de l’île dont plusieurs milliers vivent de la commercialisation de la viande du chèvre, à la saveur réputée dans tout l’Equateur.

Cristobal Colomb Cuenca, l’un des chasseurs braconniers, ne manque pas de griefs contre les gardes nationaux. "Ces gens quand ils ne massacrent pas les chèvres, passent leur temps à dormir, empoisonner nos chiens et à voler l’argent des organisations internationales". Il vient de capturer avec ses cinq chiens six boucs qu’il vendra le jour même 15 dollars pièce. "La chasse me rapporte en moyenne 300 à 500 dollars par mois mais il m’est déjà arrivé de capturer 100 boucs en une seule journée et de gagner 1500 dollars", dit-il.

M. Luis Moreno Baragan, commerçant et importateur de viande de chèvre, explique que l’économie de l’île dépend en grande partie de ce marché lucratif et qualifie "d’hypocrisie totale la soit-disant menace écologique qui permet au parc national de faire payer aux donateurs des millions de dollars".

Carlos Valle, un biologiste équatorien formé à l’université américaine de Princeton et considéré comme le meilleur spécialiste des Galapagos, explique que pour conserver l’évolution naturelle de cet archipel d’une superficie de 8.000 km2, il faut en permanence "corriger l’influence prédatrice de l’homme". "Bien que l’évolution ait été préservée à 95% grâce à la découverte tardive de l’archipel au début du 16e siècle, le taux actuel de dégradation de l’environnement est l’un des plus élevés au monde", souligne-t-il.

"Les chiens déciment les iguanes marins, poursuit-il, les chats s’attaquent aux pinsons, aux fous et aux iguanes terrestres, les porcs déterrent les nids des tortues marines, déracinent les plantes endémiques et les rats détruisent les oeufs des iguanes". Cependant, selon lui, "le fléau principal est encore l’homme dont la présence est passée en 30 ans de quelques centaines à 30.000 habitants, attirés par le tourisme et la pêche. Mais à la différence des chèvres nous ne pourrons pas les éradiquer".