Revue Etho-logique

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La Croix

Les singes de Jane Goodall l’ont menée à l’homme

Par Nathalie LACUBE

lundi 11 février 2008

La célèbre primatologue, aujourd’hui septuagénaire, poursuit son combat pour la défense de l’environnement en favorisant l’éducation et la prise de conscience des plus jeunes

Icône de la lutte environnementale, Jane Goodall est connue comme la « dame des chimpanzés ». Avec son visage menu dépourvu de maquillage, sa queue-de-cheval retenant des cheveux gris, sa silhouette mince et droite, ses vestes à fleurs et sa voix douce, à 73 ans, elle a tout de la lady britannique, charmante, inflexible et excentrique.

Il faut entendre la primatologue, docteur en éthologie, lancer le cri de bienvenue du chimpanzé devant une large assistance médusée. Elle roucoule, hoquette, sa voix monte dans les aigus, la salle hésite, entre gêne et fous rires, puis, conquise, lui décoche une salve d’applaudissements.

Arrivée à Gombe en Tanzanie en 1960, Jane Goodall travaille avec l’anthropologue Louis Leakey qui l’envoie observer les chimpanzés. D’emblée, elle se distingue des autres scientifiques en leur donnant des noms, David Barbe Grise, Frodon, Fifi, Gremlin et Goblin…

Elle découvre des comportements inconnus jusque-là chez les primates : cruauté gratuite, goût du meurtre, mais aussi attention à l’autre, sociabilité. Quand naîtra son fils en 1967, elle expliquera qu’elle a su comment s’y prendre parce qu’elle a observé les mères chimpanzés. Avec l’Américaine Diane Fossey, spécialiste des gorilles assassinée au Rwanda par des braconniers, et la Canadienne Biruté Galdikas, spécialiste des orangs-outans d’Indonésie, elles font découvrir au grand public la cause des grands singes.

Une foi en Dieu l’habite
Reconnue et distinguée dans le monde entier – nommée commandeur de l’Empire britannique en 2004, elle a reçu des mains de Dominique de Villepin la Légion d’honneur en 2006 –, Jane Goodall aurait pu se retirer dans la maison qu’elle partage avec sa sœur, se consacrer à sa famille et laisser les Instituts Jane Goodall du monde entier continuer la lutte. Elle aurait pu désespérer du sort réservé aux grands primates. Mais une foi en Dieu l’habite, une croyance en l’humain la porte en dépit de tout, la pousse à aller de l’avant, à continuer le combat. « Je suis une activiste », confie-t elle paisiblement.

«  J’ai eu une vie merveilleuse dans la forêt à étudier les chimpanzés de 1960 à 1986, mais j’ai compris en 1986 que la majorité des problèmes des chimpanzés était liée à notre vie, en tant qu’Occidentaux. J’ai commencé à voyager, et plus je me rendais compte des problèmes qui menacent le monde, et plus je rencontrais des jeunes qui avaient perdu tout espoir, qui pensaient que nous avions gâché leur avenir et celui de la planète, plus je me disais qu’il fallait faire quelque chose », confie-t-elle.

Elle lance en 1991 ses programmes « Roots and shoots » (racines et pousses) qui rassemblent plus de 5 000 groupes de jeunes dans 90 pays désireux de travailler à la protection de l’environnement. Et elle écrit un livre qui vient de sortir en France, Nous sommes ce que nous mangeons [1], pour alerter l’opinion.

"Il ne faut jamais abandonner"

«  Le gros problème, résume Jane Goodall, c’est l’agriculture moderne. Les pesticides et les engrais dans ce que nous mangeons, respirons gâchent l’eau, empoisonnent la terre. Les mauvais traitements, la cruauté dans les élevages envers les animaux ne sont pas seulement révoltants, ils ont des effets épouvantables sur la santé des humains ! »

« Faire des recherches pour ce livre, c’était vraiment pas beau ! lance-t-elle. La difficulté, c’était de trouver un peu d’espoir. Mais il y a des gens qui font des efforts, comme manger bio, acheter de la nourriture locale… » On lui demande si ces quelques gestes ne sont pas dérisoires.

« Il ne faut jamais abandonner, il y a toujours un moyen », riposte-t-elle. Avant de brandir un chimpanzé en peluche que lui a donné un ami. «  Prenez-le, il a déjà donné l’inspiration à 3 millions de personnes qui l’ont touché. C’est un symbole, il ne faut jamais perdre espoir. » Et si elle distingue une petite hésitation chez son interlocuteur, elle ajoute : « Ne vous inquiétez pas, je le lave régulièrement ! »


[1Actes Sud, 288 p., 23 €