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Des robots et des blattes
Le Monde
mardi 20 juin 2006, par
Petit article intéressant sur un animal pasionnant.
Pas facile de travailler sur les cafards... "Beaucoup de gens trouvent que ce n’est pas sérieux de dépenser l’argent des contribuables à s’exciter sur des blattes !", confie Jean-Louis Deneubourg, responsable du service d’écologie sociale de l’Université libre de Bruxelles. Et pourtant... Ce biologiste vient de diriger pendant trois ans un programme européen, baptisé "Leurre", qui lui a permis d’infiltrer un robot dans une colonie d’insectes. Une recherche qui a donné d’étonnants résultats : le robot a non seulement été accepté comme un congénère, mais il a pu influencer les décisions collectives, sans agressivité.
A vue d’oeil, le cafard artificiel, baptisé InsBot, fabriqué par l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, ne ressemble pas à un insecte. Plutôt à un vulgaire cube électronique de 3 centimètres sur 4, équipé de moteurs et d’une caméra miniature. Mais il se déplace exactement comme une blatte et il est couvert de phéromones - des "odeurs" essentielles à la communication animale - identiques à celle des insectes.
En faisant cohabiter leurres et blattes pendant des milliers d’heures, l’équipe de Bruxelles a étudié comment les automates pouvaient infléchir le comportement du groupe. Sachant que les cafards préfèrent se reposer dans l’obscurité, ils ont mis à leur disposition deux abris, un clair et un sombre. Les cafards préfèrent le noir. Mais les scientifiques ont découvert que lorsqu’un nombre suffisant de robots était programmé pour se rendre dans l’abri clair, la colonie entière était prête à s’y réfugier, pour le simple plaisir de se retrouver ensemble !
Autre résultat, "les robots sont eux-mêmes capables de réagir aux signaux des animaux", soutient M. Deneubourg. Autrement dit : les leurres ne sont pas télécommandés. Une fois programmés, ils communiquent alors avec l’animal sans intervention humaine. Ce qui ouvre, selon le scientifique, la voie à des applications de toutes sortes. Des pièges "intelligents", ou encore des épouvantails automatiques pour chasser les étourneaux aux abords d’un aéroport, et même des "chiens de berger" artificiels afin d’éviter les mouvements de panique des troupeaux de moutons.
Les expériences s’étendent désormais à d’autres espèces animales. M. Deneubourg travaille déjà sur des poussins, et cherche à mettre au point une "mère poule" artificielle. A Toulouse, une équipe de chercheurs du CNRS dirigée par Guy Theraulaz s’intéresse, elle, plus particulièrement aux moutons.
Luc Ihaddadène
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