Revue Etho-logique

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L’araignée, meilleure amie de l’Homme ?

vendredi 2 avril 2004, par Damien Kunegel

En voilà une idée farfelue ! comment est-il possible que l’araignée, ce monstre obscur et répugnant, soit une amie pour l’homme !!?? Nous savions que les chiens, chats, dauphins et autres chevaux étaient les fidèles compagnons de l’espèce humaine, mais... les araignées ! Pourtant, il y a beaucoup à attendre des araignées, sans doute bien plus que du chien-chien à sa mémère...
L’homme fait partie intégrante du règne animal, et à ce titre vit en interaction avec bon nombre d’espèces vivantes animales et végétales, parfois hostiles à l’espèce humaine comme certains virus et des bactéries pathogènes par exemple. En revanche, l’homme va tirer profit de la présence d’autres espèces, pour se nourrir ou subvenir à tout autre besoin vital.

I. L’araignée, espèce hostile ou favorable à l’homme ?

A première vue, aucun point commun ne semble rapprocher l’homme de l’araignée. Et bien loin de se réconcilier avec cet animal extraordinaire, l’homme va au contraire lui attribuer tous les méfaits possibles et imaginables au cours de l’histoire. On chasse et on traque l’araignée par tous les moyens, mécaniques ou chimiques. On a raison d’ailleurs, c’est elle qui vient la nuit dans nos chambres pour sucer le sang façon « vampire ». Elle est capable de bonds de plusieurs mètres pour nous sauter à la gorge ! Ne riez pas, j’ai mieux : il paraît même que certaines araignées sont aussi grosses que des lapins... Eh bien NON, tout cela est faux. La réalité est bien loin de l’imaginaire collectif qui, au fil des siècles, a contribué à forger la mauvaise réputation tenace des araignées. Ces dernières étant habituées à être les amies et complices fidèles des plus abominables sorcières qui hantent nos pires cauchemars !

Qui n’a jamais vu ces toiles grises et poussiéreuses dans les caves et les greniers ? peu engageant, n’est-ce pas ? les araignées sont décidément dégoûtantes, elles se complaisent dans la crasse ! eh bien non, une toile délabrée, salie, est justement la preuve de l’absence de sa locataire, car l’araignée entretient quotidiennement son repère et ne laisserait jamais sa toile se délabrer sans réagir.

Les craintes légendaires qu’inspirent les aranéides, dues en partie à leur aspect tentaculaire et leur mode de vie prédateur, ne reposeraient donc sur aucun fondement. Aucun fondement ? pas tout à fait, car si l’homme a aujourd’hui cette crainte viscérale vis-à-vis des araignées, serpents, scorpions, et autres cafards « baveux », c’est parce qu’il y a derrière tout cela une peur ancestrale, innée, ancrée dans nos gènes. Cette peur n’est autre qu’un réflexe de survie, nous permettant de fuir ou de détruire ce qui pourrait nous rendre malade, ou nous tuer. Mais que s’est-il donc passé au cours des millénaires pour que nous en venions, aujourd’hui, à détester à ce point les araignées ? comment cette coexistence passée entre l’araignée et l’homme a pu nous transmettre cet héritage de méfiance et de dégoût ? la question reste ouverte aux ethnologues, archéologues, et historiens... Les mauvaises langues diront qu’il n’y a pas de fumée sans feu.

A ce jour la question ne se pose pas, il n’y a aucune raison pour craindre les araignées. Elles sont sans conteste utiles et indispensables au maintien de l’équilibre écologique entre les espèces vivantes. Imaginer une seule seconde la Terre dépeuplée de toutes les araignées serait le pire scénario.

II. Réhabiliter les araignées, pour quoi faire ?

Aujourd’hui la situation des araignées est critique. Entre l’utilisation inconsidérée de pesticides dans les jardins de l’hémisphère Nord, et la déforestation aveugle dans l’hémisphère Sud, les araignées sont bien maltraitées, alors qu’elles ne font de mal qu’à une mouche.

Sachez qu’en France, une centaine d’araignées environ vivent sur un mètre carré de nos prairies. Elles permettent l’élimination d’une tonne d’insectes par an et par hectare. Sans elles, il faudrait déverser des insecticides chimiques en quantité telle que notre planète serait rapidement intoxiquée, et nous avec. Les araignées participent, à leur échelle, au maintien d’un équilibre indispensable entre les espèces, en limitant par leur action la prolifération de nombreux nuisibles. Mais les araignées, formidables prédateurs nocturnes, continuent d’effrayer alors qu’en vérité il n’existe aucune espèce dangereuse pour l’homme en France. En revanche, des insectes qui ont pourtant une bien meilleure réputation peuvent tuer dans nos régions. Les guêpes, par exemple, provoquent la mort d’une cinquantaine de personnes par an en métropole.

Les scientifiques quant-à eux trouvent quotidiennement de nouvelles applications étonnantes en observant simplement les araignées. Certains fils qui composent leur toile sont plus résistant que le Kevlar, mais aussi plus solide et plus élastique qu’un fil d’acier de même poids. Si on fabriquait avec du fil d’araignée un câble de la grosseur du pouce, on pourrait soulever une dizaine d’autobus. Un tissu en fil d’araignée pourrait résister à une balle de fusil. Ces études trouveraient leur intérêt dans la fabrication de gilets par balle à partir de soie d’araignée. Il ne s’agit pas ici d’une application révolutionnaire car le commerce du textile utilise depuis longtemps la soie pour la confection d’étoffes.

Les médecins ne sont pas en reste. Ils utilisent certains venins à doses contrôlées. C’est le cas par exemple du venin d’abeille employé dans le traitement des rhumatismes, ou du venin de cobra employé dans la recherche contre le cancer. A l’université de Berne, le venin de certaines théraphosidés (famille des mygales) du genre Heteroscodra est extrait pour la fabrication de médicaments stimulants cardiaques, et pouvant soigner des maladies nerveuses.
Enfin, l’araignée a permis à l’industrie cinématographique hollywoodienne de s’enrichir par des longs métrages spectaculaires ! pas forcément de bon goût, mais immanquablement spectaculaires. Cela vaut bien la peine de préserver et protéger nos amies à huit pattes, non ?


Damien KUNEGEL

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