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Notes de cours
Éthologie du cheval - Part 2
Université de RENNES, janvier 2004
mercredi 13 avril 2005, par
Voici la deuxième partie des notes de cours de Théodule, plus concentrée autour de l’apprentissage chez le cheval.
La plupart des observations et recommandations faites autour des méthodes d’apprentissage valent pour d’autres vertébrés supérieurs.
Bonne lecture
Agnès Maillard
5. L’APPRENTISSAGE
QU’EST-CE QUE L’APPRENTISSAGE ?
Toute modification relativement stable des comportements attribuables à l’expérience du sujet.
On exclut tout ce qui est maturation et tout ce qui est phénomène de fatigue.
L’apprentissage est un phénomène extrêmement lié à la mémoire.
5.1. Les grandes catégories d’apprentissage
5.1.1. L’habituation, déshabituation, sensibilisation
L’habituation ou l’accoutumance est une atténuation de la réaction en
face d’un stimulus répété.
C’est un phénomène présent chez tous les êtres vivants : de la bactérie à
l’être vivant.
Lorsque l’on a obtenu une habituation, l’arrivée d’un autre stimulus peut faire réapparaître la réaction. C’est le phénomène de déshabituation et non
de sensibilisation.
En effet, c’est quand suite à un événement ou à un stimulus extérieur, l’on
obtient une réponse au-dessus de la normale, que l’on a un processus de
sensibilisation.
Ce dernier permet de se concentrer sur la nouveauté, de réagir devant
l’environnement routinier.
5.1.2. Le conditionnement
Le conditionnement de type 1 ou pavlovien
Lorsqu’un individu est à l’air libre, il réagit à différents aspects de son
environnement. Il en existe deux catégories :
- les aspects qui produisent toujours la même réaction.
C’est la stimulation inconditionnelle qui produit une réponse inconditionnelle :
ex : sucre = salivation.
Il existe un lien permanent entre stimulation et réponse
inconditionnelle. - les aspects qui produisent des réponses variables. Ce sont des stimuli neutres n’ayant aucun lien permanent avec une réponse inconditionnelle.
Pour mettre en place ce genre de lien, il faut :- une condition de répétition ;
- un stimulus neutre doit être présenté avant ou en même temps que le stimulus conditionnel ;
- il existe un délai optimal entre la présentation de ces stimulations ;
- l’individu est capable de généraliser sa réponse à des stimuli différents du processus de généralisation ;
- il existe un phénomène de différenciation ;
- ce lien est non permanent ou temporaire : ex) le lien entre le son (la cloche) et la salivation va cesser si l’on arrête de présenter la viande. On a alors un processus d’extinction qui ne correspond pas à un oubli du lien. Il peut y avoir réapparition du lien après une période de repos (récupération spontanée) ou après un reconditionnement suite à une phase d’extinction du
conditionnement.
Le conditionnement de type 2 ou skinérien, opérant ou instrumental
C’est la conséquence d’une réponse d’un individu qui fait le
lien entre une série de réponses et une conséquence
(apprentissage par essais et erreurs). L’arrivée de la conséquence
(ex : nourriture) ou tout événement susceptible d’accroître la
probabilité de la réponse est un renforcement.
Il existe des renforcements positifs (augmente la probabilité de
réponse) : les récompenses, et des renforcements négatifs : émet une
réponse pour éviter une stimulation négative (conditionnement
d’évitement). C’est différent de la sanction/punition.
Il existe également :
- Des renforcements primaires : tout ce qui correspond à la
satisfaction d’un besoin physiologique (renforcement par la
nourriture, l’eau, l’activité sexuelle, la mère...) ; - Des renforcements secondaires (la voix, la caresse) : ex
de l’expérience du rat dans une cage qui doit appuyer sur une
manette pour avoir de la nourriture. A chaque fois qu’il réussit,
on associe à ce succès, une phrase du style « C’est bien
Coco ! ». Cette stimulation verbale va acquérir un pouvoir
renforçateur par l’adjonction d’un renforcement primaire (la
nourriture).
L’apprentissage peut également être discriminatif : capacité de faire deschoix.
Il y a les mêmes processus d’extinction.
Il peut y avoir un renforcement plus ou moins complexe.
On atteint plus vite l’optimum en espaçant les séances plutôt que de
tout faire de façon groupée
L’erreur que l’on peut faire avec un cheval c’est de répéter quelque
chose qui ne marche pas : il faut changer sa façon de faire si ça ne
marche pas du premier coup.
5.1.3. Les autres formes d’apprentissage
L’apprentissage latent
Lorsque que l’on veut obtenir un conditionnement, on s’appuie sur une
motivation de l’animal (ex. de l’animal affamé). Hors il semblerait qu’il existe un apprentissage naturel sans renforcement.
Les apprentissages spatiaux : cartes mentales, compréhension
soudaine (insight)
Les animaux ont-ils la capacité de se faire une représentation globale
de leur environnement ? Oui, ils sont capables de trouver la relation
existant entre des objets même si cette relation n’est pas évidente.
Ex. du détour de locomotion : barrière entre deux prés, une porte
ouverte. Un cheval est seul d’un côté et voit ses congénères de l’autre
côté. S’il veut les retrouver, il doit trouver la porte.
A ce jeu, contrairement au chien, le cheval n’est pas génial.
Ex. du détour de préhension : invention d’une méthode d’utilisation des
objets présents dans l’environnement pour obtenir un objet (primate,
rongeur, oiseaux).
Les apprentissages sociaux ou apprentissage par imitation ou
observation
Imitation : c’est la reproduction exacte d’un modèle sans que
l’individu ait un contact avec le contexte d’émission. C’est un
comportement rare chez les animaux : seuls certains oiseaux sont
capables d’imiter le chant d’autres oiseaux.
Observation : reproduction par observation d’indices au cours de
l’apprentissage de l’exécution du comportement par le modèle.
Mais les congénères peuvent s’influencer les uns les autres autrement :
- les phénomènes de facilitation sociale : un individu
effectue un comportement suite à la réalisation de ce dernier
par un congénère ; - les phénomènes de l’accentuation locale : un individu va
fréquenter un endroit qu’a déjà fréquenté un autre individu.
6. QUELQUES LOIS CLASSIQUES ET REMARQUEES
LES PHENOMENES DE REPETITION ET DE CONTIGUITE TEMPORELLE :
La répétition :
On apprend par un renouvellement d’exercices et la performance augmente avec la répétition et ce, jusqu’à un point idéal. S’il y a trop d’exercices, on a un phénomène de sur-apprentissage. L’avantage, c’est qu’un élément sur-appris résiste à l’extinction mais s’associe également une baisse de motivation.
La contiguïté temporelle :
Pour qu’un apprentissage fonctionne, il faut qu’il existe un intervalle optimum entre la réponse et le renforcement.
La sanction positive ou négative d’un acte qui ne survient pas immédiatement, perdra de son efficacité.
Les meilleures conditions d’acquisition vont être de renforcer à chaque fois ettout de suite. Par contre, une fois que le lien est acquis, il n’est plus nécessaire de renforcer systématiquement. Et dans cette situation, la durée d’extinction est plus lente : en d’autres termes, moins il y a de contrastes entre les phases d’apprentissage, plus l’extinction est lente. Le renforcement aléatoire est la meilleure des méthodes.
Il faut donc se fixer un but à atteindre et quand il est atteint, laisser du temps à la « mémoire » pour le fixer (temps de repos).
APPRENTISSAGE DISTRIBUE / APPRENTISSAGE MASSE :
La meilleure des méthodes : des séances courtes et espacées et laisser un temps après acquisition.
LES PHENOMENES D’INHIBITION EXTERNE ET LA PRECISION DES STIMULATIONS UTILISEES
L’extinction est un phénomène d’inhibition interne. Mais il existe également des phénomènes d’inhibitions externes qui sont des évènements extérieurs nuisant à l’apprentissage et à la vitesse d’acquisition. Il faut donc que l’instructeur maintienne l’attention du sujet sur la tâche en cours (endroit familier - moins de perturbations possibles - séances courtes).
L’instructeur doit être attentif lui-même et concentré. Vis-à-vis de l’animal, pour ramener son attention : l’appeler par son nom (mais aussi avant, pendant et après le travail), utiliser un renforcement primaire (récompenses) après un exercice simple et changer souvent d’exercices. S’il emploie des mots ou des stimulations différentes, il doit y avoir des résultats différents. Si ce n’est pas le cas, il peut y avoir confusion et névrose expérimentale. Il ne doit donc pas y avoir ambiguïté sur les « ordres », sur les stimulations : à un travail doit correspondre un seul ordre, précis et discriminatoire. Ex, si on utilise un ordre verbal, s’assurer qu’à chaque fois le corps est dans la même position.
MÊME VOIX, MÊMES GESTES
INFLUENCE DES CONDITIONS D’ELEVAGE (GENETIQUE, PHYSIQUE) DANS L’APPRENTISSAGE
Un individu ayant des conditions variées au niveau social, une nourriture adaptée etsuffisante est beaucoup plus ouvert à l’apprentissage.
EMOTIVITE ET APPRENTISSAGE
L’adrénaline en petite quantité facilite l’apprentissage car elle influence la rétention en mémoire. L’augmentation de la réaction physiologique en face d’un stimulus bon ou mauvais multiplie le temps de latence par 8.
Danger du stress qui est lié à la nouveauté, l’incertitude, le conflit, la frustration, la possibilité ou non de contrôler la situation.
Phénomène de l’axe HHA (axe hypothalamus / hypophyse / adréno-cortical ou axe du mal : sous l’influence d’un stress trop souvent répété ou trop violent, déclenchement de nombreuses pathologies [ex du join-up s’il est poussé ( ?)]. Il faut donc doser.
Phénomène du « Learned Helpless ness ou résignation acquise » qui rend le cheval incapable d’initier une réponse active.
Trop d’émotivité et donc trop de stress vont nuire à l’apprentissage, voire pourront entraîner une mémorisation et une « fuite » à la prochaine stimulation : quelque chose de négatif est mémorisé très rapidement et pour très longtemps.
Il faut éviter de récompenser le cheval (par ex donner de la nourriture) après une « bonne » action de la même façon qu’on lui donne une friandise, sinon le cheval va « quémander » et ne plus comprendre le renforcement positif qu’est la nourriture.
Donc si carotte sans travail alors la mettre dans un seau, dans la mangeoire ou par terre.
VISION ET APPRENTISSAGE
Un cheval étudie toute difficulté d’abord d’un oeil, puis de l’autre (conséquence de ses caractéristiques visuelles : voir supra).
A savoir : la vision n’est pas le sens de référence du cheval : en dernier ressort, ce dernier se réfère à l’olfaction.
RENFORCEMENT ET APPRENTISSAGE
Dans l’acquisition d’une tâche, le renforcement primaire est préférable. Il existe trois phases :
Acquisition : récompense alimentaire immédiate et systématique ;
Phase acquise (connaissance) : récompense aléatoire ;
Sur apprentissage : renforcement secondaire aléatoire, associé à une
récompense alimentaire, avec espacement, en cas d’ennui ou de lassitude et pour éviter l’extinction (à adapter en fonction de l’animal).
En cas de contrainte ou d’expérience difficile, détourner systématiquement l’attention des chevaux par un renforcement positif : foin dans les vans, foin après la tonte. Il faut donc compenser quelque chose de désagréable par quelque chose d’agréable tout de suite.
Surtout du renforcement positif.
Il faut faire en sorte que le cheval ait envie de travailler, il faut s’interroger sur pourquoi le cheval ne veut pas se laisser attraper (par ex), ou mettre la selle, le tapis...etc. C’est qu’il y a un problème pour le cheval : pas de confort, de plaisir, pas de renforcement...pour lui ?
Est-ce que le cheval est en souffrance ?
RESPECTER L’AUTRE DANS SA NATURE, RESPECTER L’ANIMAL
LA QUESTION :
C’EST QUOI ÊTRE PARTENAIRE DE L’AUTRE ?
C’EST APPRENDRE A LE CONNAITRE, À L’ABORDER
VARIATIONS INDIVIDUELLES ET APPRENTISSAGE
Les variations individuelles de comportement dépendent :
de facteurs environnementaux comme l’alimentation, l’environnement humain (soigneur, cavalier), l’influence de la mère, de l’architecture des boxes, de la litière, de la discipline pratiquée, le dressage étant la pire des disciplines sur ce plan ;
de facteurs génériques comme la race du père, la difficulté de se séparer des autres.
En ce qui concerne les stéréotypes, il n’y a pas de transmission génétique mais plutôt un « terrain » favorable : 89% de chances d’avoir un cheval qui tique si les deux parents présentent des stéréotypes, si les facteurs environnementaux s’y prêtent.
Tic à l’ours : le miroir semble marcher. Il faut mettre des « complications » pour l’occuper dans son box (le jouet semble limité dans ses effets). L’animal de compagnie ne semble pas non plus servir à grand-chose.
Tic à l’air : le collier ne sert à rien, au contraire !
CAVALIER ET APPRENTISSAGE
Choisir son animal en fonction de ce que l’on veut faire, de ses parents, de ses soigneurs, du site dans lequel il va séjourner, de la discipline pratiquée, de l’élevage du poulain.
Imprégnation du poulain :
La méthode MILLER n’est pas « éthologique », elle amène beaucoup de stress et les effets ne sont pas prouvés (au mieux limités au 3ème mois).
Expérience faite et qui fonctionne, « le travail de la mère » :
La panser 15mn par jour en présence du poulain, dans le box, durant 5 jours et 1 jour après la naissance (ne rien faire avant) ;
Puis présence d’un humain dans le box, sans rien faire ;
Puis essai de mettre un tapis sur le poulain à 30 jours.
Quelques rappels :
Il ne faut pas travailler en direct sur un problème, il faut le contourner ;
Il faut observer son cheval ;
La vie sociale est un « facilitateur » ;
Il n’y a rien de mieux qu’un groupe stable (5-7 ch.) calme pour rééduquer un cheval « difficile » ;
Il faut intégrer le poulain aux activités des adultes et entretenir ;
Toujours compenser quelque chose de désagréable par quelque chose d’agréable en lui faisant faire quelque chose qu’il sait bien faire. Il ne faut pas que le renforcement (la récompense) soit gratuit. Il ne faut pas que la récompense vienne sans rien ;
Un apprentissage à la fois et on arrête quand c’est acquis.
Suite de L’article Éthologie du cheval - Part 1
Notes prises durant le module d’éthologie du cheval, dispensé par l’université de RENNES à la station biologique de Paimpont, sur une durée de 40h, par Martine HAUSBERGER (chercheuse au CNRS) et Marie-Annick RICHARD (professeur à UFR Sciences de la vie et de l’environnement)
Messages
1. > Éthologie du cheval - Part 2, 12 mai 2005, 20:15, par Sylvie Guédot
Bonsoir,
je me permets de vous écrire car je vous trouve très pertinent dans votre étude, concernant l’éducation des chevaux.
Au fur et à mesure que j’ai lu vos propos, j’adhérais complètement et cela m’a conforté avec l’éducation que je pratique avec mes poulains et mes chevaux. Leur laisser du temps de réflexion, et surtout profiter de leur don d’observation pour leur inculquer en douceur, ce que l’on veut qu’il sache faire.
Le mimitisme marche très fort, chez eux, il serait dommage de ne pas s’en servir. Quand un cheval ne comprend pas ou ne veut pas faire, ou ne supporte pas, je lui montre que son copain de pré le fait sans réticence, c’est très constructif.
Et pour les poulains, faire avec la mère en premier, facilite leur éducation. c’est positif.Miller, je n’adhère pas car c’est un manque de respect pour la jument et son poulain, c’est comme un viol car le poulain ne se donne pas de lui-même, on lui prend, donc c’est fragile, donc pas du long terme. Merci encore pour votre compte-rendu.
Très cordialement,
Sylvie Guédot, éleveur amateur, qui vit avec ses chevaux en total respect-confiance.
Voir en ligne : http://chevauxdulayon.9online.fr
1. > Éthologie du cheval - Part 2, 7 juin 2005, 13:29
ck : moi aussi je suis contente que mes "façons de faire" soient en phase avec l’éthologie.
Meme si je fais encore beaucoup d’erreur, je suis contente de savoir que je vais quand meme dans le bon sens.
2. > Éthologie du cheval - Part 2, 18 août 2005, 13:48
lorsque vous dites "UN APPRENTISSAGE FRACTIONNE EST PLUS EFFICACE QU’UN APPRENTISSAGE MASSE (Loi de Jost).", quel temps devrait s’écouler entre deux apprentissages ? (en heure, jour ou semaine...)
3. > Éthologie du cheval - Part 2, 12 janvier 2006, 14:45
Salut, connaissez-vous les références bibliographiques de ce cours et pouvez-vous les communiquer s’il vous plait ? Merci