Revue Etho-logique

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Méthodologie de la recherche

"Ethologie du jeu ou la "relation zooludique" entre l’enfant et le chien"

jeudi 23 novembre 2006, par Delphine Descamps

Cette recherche a été réalisée dans le cadre du mémoire principal du Master 2 Recherche "Sciences Humaines et Sociales", mention "Ethnologie" au sein de l’Université René Descartes - Paris V.

Le cadre théorique

La méthode de recherche

En éthologie, la principale démarche méthodologique est l’observation directe non participante. L’analyse des données ainsi recueillies permet d’établir un éthogramme - répertoire comportemental - de l’espèce étudiée.
Dans le cadre de ce travail, j’ai observé le déroulement d’une séquence de promenade du ou des chien(s) en présence du ou des enfant(s) au cours de laquelle apparaissent différentes formes d’activités ludiques : jeu d’objets, jeu de poursuite, jeu de lutte, jeu locomoteur, jeu de rapport et jeu de faire semblant notamment. Afin que le recueil de données soit le plus complet possible, j’ai eu recours à l’enregistrement vidéo de ces différentes séquences.
Les interactions entre l’enfant et le chien étant en grande majorité de nature non verbale, il convient de se pencher avec une attention toute particulière sur les gestes, les mimiques, les regards et les autres postures du corps en adoptant un raisonnement en actes comportementaux.
La durée moyenne des observations est de 54 minutes. A la suite de chacune d’elle, un "mini-questionnaire comportemental" a été rempli afin de détailler quelques particularités de la relation entre l’enfant et le chien. Par ailleurs, il était prévu de demander aux parents de relever, sur une période définie - actes, heures et jours préétablis -, certaines observations précises mais ces derniers n’ayant pas tous accepté, le peu de données récoltées n’ont pas permis d’établir une comparaison significative.

L’environnement

Les observations ont eu lieu dans le cadre de promenades dans un parc en présence de l’enfant, du chien et d’un adulte de leur entourage.
Les observations ont été, sans distinction, effectuées en semaine ou lors de week-end. Les enfants étant en vacances scolaires durant la période de terrain - cet été -, le jour de la semaine n’a pas eu une grande importance sur leur comportement.
De par sa posture d’invitation au jeu, le comportement corporel est clairement significatif de l’activité ludique d’un chien, que celle-ci se déroule avec un congénère ou avec un partenaire humain. Pour le chien, c’est le mouvement des différents membres du corps de l’humain qui va lui signifier le départ du jeu. Trois phases se distinguent plus particulièrement. Un mouvement de sollicitation dû à une stimulation sensorielle quelconque est toujours à l’origine d’une activité ludique. Le chien y répond par un comportement associé et la plupart du temps approprié. Si l’activité ludique n’est pas constamment alimentée, le chien va relativement vite se lasser tout seul.
Par ailleurs, une cartographie des lieux des observations s’est révélée utile pour définir les différents territoires de chacun et comprendre l’alternance des divers types de jeux en partie due à l’environnement.

L’échantillon

La population étudiée est constituée de huit couples enfant / chien âgés de cinq à treize ans pour les premiers et entre un an et demi et treize ans pour les seconds. L’apport bénéfique du chien étant présent lors des différentes étapes de la vie de l’enfant, l’âge n’est pas un facteur particulièrement déterminant dans le cadre de cette recherche qui a pour seul objectif l’adoption d’un regard distancié sur la relation enfant / chien lors d’une activité ludique.
Des contacts ont été pris par l’intermédiaire des différentes associations de protection animale que je fréquente dans la région bordelaise. De plus, je suis entrée en contact avec plusieurs vétérinaires qui ont accepté de parler de l’étude à leur clientèle. On est alors en mesure de pouvoir déduire une motivation certaine pour l’enquête ainsi qu’un intérêt supérieur à la moyenne pour la relation unissant leur enfant à leur chien de la part des individus ayant accepté de jouer le jeu.
Il semble nécessaire de préciser le caractère non exhaustif de cette recherche, de part le nombre relativement restreint d’observations qui ne pouvait raisonnablement pas fournir un corpus de données suffisamment diversifié. De nombreuses autres mises en situation pourraient venir compléter le corpus de données déjà recueilli afin d’en confirmer ou infirmer le contenu.

Le but de l’enquête

Déterminer les interactions et les apports réciproques ayant lieu entre l’enfant et le chien en situation de jeu.
Une telle vision de l’activité ludique entre les deux interactants permet d’élaborer une approche basée sur quatre champs de questionnement ; hypothèses relatives à notre problématique :
- Quel est l’historique du comportement ?
- Quelle est la fonction du jeu et quels avantages apporte-t-il à chacun des protagonistes ?
- Quelle est l’ontogenèse du comportement jeu ? Comment le comportement jeu apparaît-il chez l’enfant et le chien ?
- Quels sont les déclencheurs du jeu entre l’enfant et le chien ? Par quelles structures et quels processus physiologiques l’enfant et le chien perçoivent-ils des stimulations externes et des états internes les amenant à produire ce comportement spécifique qu’est le fait de jouer ensemble ?

Le recueil de données et les résultats de terrain

Les séquences sont séparées les unes des autres, non en fonction d’un minutage précis et minutieux mais davantage par rapport aux différents jeux se succédant au sein-même de l’activité ludique entre l’enfant et le chien. Par la suite, l’analyse s’effectue par le biais du visionnage des différentes cassettes vidéo. Plusieurs séquences ont été observées. Les plus récurrentes sont le jeu d’exploration, le jeu de poursuite, le jeu d’objets, le jeu de faire semblant et la promenade. Les trois premiers items correspondent aux périodes où l’enfant joue avec le chien. L’item "promenade" fait référence à des périodes de "temps mort" où l’enfant et le chien peuvent, d’une manière ou d’une autre - appel ou toucher notamment - entrer en contact mais sans établir un jeu académique. Dans le cadre de la majeure partie des observations effectuées, cela s’explique, notamment, par la configuration des lieux. Le contexte géographique exerce ainsi une influence non négligeable sur les comportements. Chaque séquence a été minutée et les durées de chacune ont été additionnées entre elles en fonction des quatre catégories de classement prédéfinies. En réalisant cette même procédure pour chaque observation, nous avons pu mettre en évidence la durée moyenne de chaque jeu ainsi que sa fréquence d’intervention au cours de l’observation. L’enfant peut assez aisément stimuler le chien de manière à en faire son compagnon de jeu que ce soit par choix ou par défaut, comme il le ferait avec un de ses pairs.
Quelque soit l’âge et le sexe des enfants et des chiens, le jeu d’objets est le plus récurrent. Tous les enfants et les chiens observés dans le cadre de cette étude ont eu recours au jeu d’objets notamment par le biais d’une balle ou d’un morceau de bois. Une des principales caractéristiques de cette entente entre les deux espèces au niveau ludique se révèle être la façon dont l’un et l’autre des deux protagonistes parvient à se rassurer quant à la possession d’un objet précis. Parmi ce type de jeu, le jeu de rapport est fréquent chez tous les sujets observés.
Dans les deux catégories d’individus, les deux sexes sont pris en compte sans distinction particulière ; si ce n’est peut-être concernant le jeu de lutte et le jeu de poursuite où les petits garçons semblent plus concernés que les petites filles.
Le jeu de poursuite et le jeu d’objets représentent environ le même pourcentage en terme de répartition temporelle au cours de l’observation. Dans ce permier type de jeu, au cours de nos observations, l’enfant a, en moyenne, davantage sollicité l’animal. En règle générale, l’enfant va considérer que le chien est trop loin devant lui. Il commence par verbaliser cette constatation en prononçant son nom. Puis, il se met à courir dans sa direction. Dans la majorité des cas, le jeu de poursuite débute alors réellement lorsque l’enfant arrive au niveau du chien et que ce dernier se met à le poursuivre. A partir de là, les rôles peuvent s’inverser. Les deux protagonistes peuvent se pourchasser en ligne droite, puis faire demi-tour pour revenir vers les adultes ou bien effectuer des cercles plus ou moins larges. Les observations entrant dans le cadre de cette étude ne permettent pas de déterminer si ce jeu de poursuite se rapporche d’un comportement de "chasse" dans le sens où ni l’enfant ni le chien ne manifestent aucun signe particulier lorsqu’ils se retrouvent à la même hauteur. Soit l’un des deux changent de direction, soit l’activité cesse.
A travers son jeu d’imitation de Luna et Essie, Mathéo donne l’impression de chercher à stimuler les deux chiennes, attirer leur attention, en adoptant un comportement similaire au leur.
Plusieurs facteurs comme l’âge, le poids, la taille ou l’état de santé du chien et de l’enfant vont être déterminants dans la nature et la diversité de l’activité ludique qui peut être partagée. En tout état de cause, quelle que soit sa forme, cette dernière remplit un rôle social. Elle va favoriser l’ouverture d’esprit de l’enfant et sa communication avec son entourage. L’association du jeu et de l’animal peut être un outil de rapprochement - facteur de lien social - entre individus ; que ces derniers appartiennent au monde humain ou animal. Par l’intermédiaire du plaisir ressenti lors d’un échange ludique, l’enfant et le chien établissent une véritable complicité. Certains iraient même jusqu’à s’aventurer à parler de relation amicale enfant / chien.

Accès au mémoire complet

Messages

  • Je découvre cet article bien tard après sa publication sur le net, dommage. Je le trouve très intéressant, il entre tout à fait dans mes sujets de recherches et de préoccupation.

    L’association que je développe s’occupe des relations entre les chiens et les enfants, se focalise autant sur la prévention des accidents, que sur les bénéfices qu’enfants et chiens peuvent retirer de leur complicité.

    Cette analyse du jeu est précieuse. Ma conviction est qu’en effet le chien et des relations avec les chiens peuvent contribuer, dans certains cadres, à augmenter, chez les enfants, des compétences d’entrée en contact avec autrui (humain ou animal).

    Voir en ligne : complicité des enfants et des chiens