Revue Etho-logique

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Pas vu (à la télévision)

Résumé et critique

lundi 1er mars 2004, par Etienne Pottier

Résumé

En janvier 1979, Arnaud Churin a huit ans. Il voit à la télévision l’émission-jeu "Des chiffres et des lettres". Deux candidats s’affrontent, madame Louson et monsieur Jouaux. Ce dernier est aveugle, il ne prend aucune note, se rappelant par coeur chiffres et lettres. Il sera un des champions du jeu. Vingt-quatre ans plus tard, Arnaud Churin réinvente cette rencontre surprenante. Sachant que la scène du théâtre est le lieu possible de tous les imaginaires, il imagine une belle histoire d’amour entre les deux protagonistes, d’où surgit un univers magique dans lequel seront inclus les présentateurs du jeu. Ils vont deviser dans une sorte de joute oratoire dont la trame est constituée du "vrai" dialogue de Boris Cyrulnik et d’Edgar Morin intitulé Dialogue sur la nature humaine et enregistré par France-Culture. Nos héros nous entraînent alors dans un voyage dans la "Noosphère", la sphère du produit de nos pensées qui entoure l’humanité au même titre que l’atmosphère. Un voyage dans la connaissance et l’ignorance, dans l’unique et le différent, dans les méandres de l’amour ? "N’est-ce pas, mon cher Max ?"

Neurologue, psychiatre et psychanalyste, Boris Cyrulnik a fait de la résilience son principal axe de recherche.
Il est l’un des fondateurs de l’éthologie humaine.

Philosophe, anthropo-sociologue, Edgar Morin est directeur de recherches émérite au C.N.R.S. Son oeuvre multiple est commandée par le souci d’une connaissance ni mutilée ni cloisonnée, apte à saisir la complexité du réel, en respectant le singulier tout en l’insérant dans son ensemble.
Dialogue sur la nature humaine est publié aux éditions de l’Aube.

Pas vu : le spectacle
Photo : Etienne

Critique

L’oreille de l’être humain s’est soudain mise à siffler. Et pour cause, il est drôlement question de lui dans cette pièce d’Arnaud Churin. Nous voilà bel et bien mis à nu, disséqués, dénaturés, déculturés, libérés de tous nos artifices en commençant par la pudeur. Cette pudeur répudiée par la science est ici reproduite d’une manière enivrante car les acteurs ne s’encombrent pas de faux-semblant. C’est cette transparence omniprésente (du son, de l’image et des corps) qui fait plaisir à voir.
La dialectique est reine, issue d’une discussion entre deux chercheurs en sciences humaines, les chiffres du statisticien et du biologiste vont s’entrechoquer avec les lettres du sociologue et du psychanalyste pour nous emmener dans une enfilade d’idées généreuse qui de toute façon nous concerne au plus profond de notre « âme ». Mais nous en sortons vainqueurs, comme l’ont été ceux qui ont compris que l’opposition des méthodes, des sciences et des idées, ne donnait rien d’autre que des théories aveugles.
Donc faisons fi, comme ce couple idéalisé qui nous renvoie notre image par un jeu de miroirs subtilement agencé, de nos anciennes dichotomies pour aller vers un mieux pensant heuristique, ou plus simplement vers un mieux vivre complice.
Cette pièce est avant tout une gageure. Celle de répondre à l’injonction :
« si tu ne vas pas à la science, la science ira à toi » et ici elle nous est servie sur un plateau.
Alors merci à l’auteur de relever ce défi, merci aux acteurs d’oublier leur pudeur pour livrer leur corps et leur âme à la science, merci aussi pour cette union sacrée des chercheurs et des artistes qui nous entraîne loin, très loin du circuit de la rentabilité et si proche de la réalité, voire du bonheur.

Messages

  • Il me semble qu’éthologie signifiait au départ "étude des moeurs" et que les anciens écrivaient déjà des traités d’éthologie qui étaient donc des traités sur les moeurs.

    Je dis ça parce que dans ces conditions Cyrulnik devient l’inventeur d’une éthologie humaine non plus basée sur la morale mais sur l’étude du comportement des animaux.

    Autrement , bravo pour le site et bonne chance.

    • Effectivement. L’ethologie depuis Lorenz singnifie l’étude systématique des comportements. Comme à l’époque il n’y avait pas de terme je pense que « éthologie » est celui qui se rapprochait le mieux. Or, à l’heure actuelle, le suffixe « logie » est connoté scientifique, peut-on sérieusement envisagé une science de la morale ? Bref pour tout ceux qui ont des doutes sur l’utilisation du terme éthologie, on peut aussi l’appelée sociobiologie.
      En fait il s’agit de la science du comportement.
      Donc il n’y a pas à proprement parler d’éthologie humaine basée sur les animaux (sachant que l’humain est un primate, il est étudié en éthologie comme un primate, donc sur ses comportements et sa chimie). On peut aussi imaginé l’éthologie humaine comme un lien entre la biologie et la sociologie, la passerelle, le chaînon manquant scientifique pour avoir une vue d’ensemble sur la nature humaine.
      Ce que tente d’ailleurs d’illustrer la pièce avec brio.
      Etienne.

  • Ceci n’est pas une remarque sur cet article.Je suis étudiant en agronomie et très interessé par l’éthologie humaine, qui ne fait pas partie des thèmes de recherche que l’on nous propose, ce n’est pas enseigné, ce qui est étonnant. J’aimerais savoir où en est l’éthologie humaine aujourd’hui et quelles sont les possibilités pour travailler dans ce domaine, si vous pouvez m’éclairer là-dessus. Merci !!