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Les comportements innés.
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Comment distinguer la part innée d'un comportement
de la part acquise?
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Un exemple de comportement inné: les taxies.
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Les comportements acquis.
L'éthologie est l'étude des comportements des animaux,
et par extension, des humains, dans la mesure où, pour l'éthologue,
l'être humain est un animal comme les autres.
Tous les comportements ont pour base une mécanique physiologique:
les sens (organes sensoriels), le système nerveux, l'endocrine (les
hormones). Les comportements vont affecter des formes différentes
en fonction du milieu, des saisons, des besoins (stimuli
internes), de l'âge, des expériences antérieures et
de l'état physiologique du sujet.
Tous les comportements ont un double déterminisme
(on pourrait dire: de doubles causes, en simplifiant):
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les stimulations internes (ou endogènes),
c'est tout ce qui est physiologique comme les hormones ou l'appétit.
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les stimulations externes (ou exogènes),
c'est tout ce qui vient de l'environnement de l'animal comme les congénères
(individus de la même espèce)
ou une bonne proie.
Mais surtout, les comportements se distinguent en deux grands domaines
éthologiques:
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la partie innée,
qui dépend du patrimoine héréditaire de l'espèce,
les comportements inscrits dans les gènes, ce qu'on appelle l'instinct.
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la partie acquise,
qui est le résultat de l'expérience, de l'apprentissage individuel,
les comportements intelligents, de raisonnement, et ce qu'on appelle les
réflexes conditionnés.
Il ne faut jamais perdre de vue que dans la plupart des cas, inné
et acquis sont étroitement imbriqués dans les comportements
que l'on peut observer.
Les comportements innés.
Un comportement inné est un comportement qui se retrouve chez tous
les individus de la même espèce. On parle aussi de comportement
instinctif.
Les comportements instinctifs sont traditionnellement opposés
aux comportements acquis.
On parle parfois de comportements instinctifs de manière impropre
ou abusive, comme dans le cas du freinage d'urgence en voiture: il s'agit
bien d'un réflexe, mais d'un réflexe conditionné,
fruit d'un apprentissage (sinon, tante Agathe n'aurait pas eu besoin d'aller
à l'auto-école de son quartier, et quand elle conduit, on
sent très bien que la maîtrise de son véhicule n'est
pas inscrite dans ses gènes!).
Les comportements instinctifs sont donc des comportements innés,
c'est à dire déterminés génétiquement
et qui ne nécessite pas d'apprentissage préalables. PP GRASSE
définit ainsi les comportements instinctifs:
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*L'instinct est la faculté inné d'accomplir,
sans apprentissage préalable et en toute perfection, certains actes
spécifiques
sous certaines conditions du milieu extérieur et de l'état
physiologique de l'individu.*
Pour illustrer, prenons l'exemple du "programme" de prédation
du crapaud: "ce qui bouge est bon à manger".
Si vous coincez un crapaud, vous pourrez observer la chose suivante:
Si vous posez une belle grosse mouche morte devant lui, vous n'obtiendrez
aucune réaction.
Agitez sous son nez un leurre quelconque (comme un bout de papier au
bout d'un fil en nylon), vous avez de fortes chances de le voir se jeter
avidement dessus afin de le gober... enfin, s'il a faim! Sinon, vous aurez
juste l'air ridicule à agiter votre bout de papier devant un crapaud
totalement indifférent.
Par contre, votre crapaud, avec l'expérience, peut finir par
apprendre qu'un bout de papier agité au bout d'un fil de nylon est
quelque chose qui n'est pas bon à manger, et finir par ignorer le
leurre même s'il a faim.
Ainsi, le crapaud a un comportement de prédation inné:
ce qui bouge est bon à manger, le reste, non.
Cependant, par l'expérience, il peut développer un comportement
acquis: tout ce qui bouge n'est pas forcément bon à manger.
C'est par apprentissage qu'il sera capable de discriminer (faire la différence)
entre le comestible et le non comestible.
Comment distinguer la part innée
d'un comportement de la part acquise?
Prenons un comportement relativement complexe: la nidification (aménager
son intérieur, en quelque sorte, voire le construire).
On fit une expérience sur le tisserin à capuchon (Ploceus
cucullatus) ou tisserin africain, un petit oiseau dont les techniques
de construction de nid sont particulièrement complexes. Cet oiseau
construit un nid en forme de bourse, en fibres végétales
tissées de manière élaborée, attaché
par un lien noué de façon particulière.
On prit des oeufs de tisserins et on les fit couver par des canaris.
Les jeunes ainsi élevés étaient privés de tous
moyens de construire leur propre nid et furent placés dans des nids
préfabriqués. L'expérience se poursuivit durant 4
générations.
La dernière génération fut replacée dans
son milieu naturel. Et à l'époque de la nidation, les jeunes
construisirent un nid typique de tisserin, sans jamais avoir pu développer
cette compétence par l'apprentissage ou l'imitation auprès
des parents. Cependant, on pu constater que ses oiseaux étaient
moins habiles que des tisserins témoins, plus lents, moins soigneux,
mais leur travail s'améliora par l'expérience, sans toutefois
jamais atteindre l'habileté des tisserins élevés par
leur parents.
Ce que nous apprend cette expérience:
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Le comportement de nidification de ces oiseaux est
inné, car ne nécessitant aucun apprentissage.
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La forme et les matériaux choisis pour construire
le nid sont également innés.
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Par contre, l'habileté à la construction
dépend partiellement de l'apprentissage et de l'expérience,
c'est une aptitude en partie acquise.
En général, tous les oiseaux ont une aptitude d'adaptation
des modalités de construction du nid traditionnel comme, par exemple,
en fonction des modification du milieu (variation des matériaux).
Si la nidification est un comportement à forte composante innée,
il reste une possibilité d'adaptation par l'apprentissage et l'expérience.
A travers cet exemple, nous venons de voir de quelle manière,
expérimentalement, on peut distinguer la part acquise de la part
innée dans un comportement. En règle générale,
il suffit d'isoler un ou plusieurs jeunes de tout représentant adulte
de son espèce (ce qui élimine, de fait, toute possibilité
d'apprentissage, que ce soit par imitation ou par éducation parentale)
et d'observer dans quelle mesure les sujets peuvent ou non reproduire le
comportement étudié.
Il est également intéressant de souligner, qu'en règle
générale, la plupart des comportements innés sont
améliorables par l'apprentissage et/ou l'expérience.
Un exemple de comportements innés:
les taxies
Dans les comportements innés, les réactions les plus parlantes
sont les tropismes et les taxies.
Les tropismes peuvent se définir de la façon suivante:
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* Ce sont des réponses d'organismes entiers,
de véritables comportements, fait de mouvement d'orientation, souvent,
aussi de locomotion, déclenchés et entretenus par des agents
physiques ou chimiques externes (lumière, électricité,
pesanteur, chaleur, substances chimiques diffusant dans le milieu, etc.*
Plus simplement, les tropismes sont des réactions comportementales
à des stimulations du milieu. L'idée de tropisme s'applique
aussi bien aux animaux qu'aux plantes:
Les tournesols (héliotropes!), que l'on voit dans les champs
au coeur de l'été, sont caractérisés par leur
héliotropisme, c'est à dire leur manière d'orienter
leur corolle vers le soleil, à toute heure de la journée.
Cependant, il est difficile de désigner ce comportement d'orientation
chez les plantes, dépourvues de tout système nerveux (ce
qu'on appelle la vie végétative!) avec le même terme
que pour des comportements observés chez les animaux. C'est ainsi
que l'on fait la distinction entre tropisme, terme général
qui s'applique plutôt aux plantes et les taxies, mot qui désigne
le même phénomènes, mais exclusivement chez les animaux.
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Les taxies sont donc des réponses orientées
et obligatoires d'un organisme animal à un stimulus déclencheur
externe.
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Les taxies peuvent pousser l'animal à s'approcher
de la source de stimulation (on parle alors de taxie positives) ou à
s'en éloigner (les taxies négatives).
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Parler de taxies positives ou négatives ne
s'appliques pas aux effets du comportement induit.
Vous pouvez observer un type de taxie positive assez facilement les soirs
d'été.
Les soirs d'été, quand la nuit est tombée, il
vous arrive fréquemment d'avoir simultanément la fenêtre
ouverte et la lumière allumée. Vous êtes alors envahis
par des myriades d'insectes nocturnes qui s'agglutinent inévitablement
autour des ampoules allumées et, comme le dit l'adage populaire,
"s'y brûlent les ailes". Vous êtes alors l'observateur de comportement
taxiques positifs résultant de la phototaxie qui est le fait d'être
attiré par la lumière. C'est un comportement instinctif,
qui pousse, dans ce cas précis, l'animal à se rapprocher
de la source lumineuse, malgré le danger mortel que cela lui fait
courir.
A l'inverse, les habitants de la région parisienne, dont un nombre
important se voit dans l'obligation de cohabiter avec les blattes (cafards),
peuvent observer, quand ils rentrent chez eux dans la nuit, que le simple
fait d'allumer la lumière met en déroute une armée
de ces charmants colocataires, qui courent se réfugier dans les
coins obscurs de l'habitation. On dit alors que les blattes sont lucifuges,
c'est à dire qu'elles fuient la lumière: il s'agit d'une
phototaxie négative. Les blattes sont aussi hygrotropiques, elles
se dirigent en priorité dans des zones jouissant d'une humidité
susceptible de leur convenir, et thermotropiques, elles recherchent une
chaleur suffisante. En fait, instinctivement, les blattes cherchent à
vivre dans un milieu dont les caractéristiques "climatiques" sont
très proches de leur milieu naturel d'origine: les zones tropicales
de la planète.
Ces connaissances éthologiques des blattes vous permettent de
savoir à coup sûr d'où il faut chercher à les
déloger: dans les recoins sombres, humides et chauds de votre appartement,
comme sous l'évier, la baignoire, derrière le réfrigérateur...
etc. Chez la blatte "domestique", la colonisation de certains secteurs
précis de votre logement est le résultat de la somme de plusieurs
taxies. L'élection, à travers un comportement inné,
du milieu le plus approprié au mode vie de cet insecte, est favorable
à l'espèce, lui épargnant du même coup, la recherche
fastidieuse de l'habitat sur le mode actif ou conscient. L'inconvénient,
c'est que ce comportement est prévisible pour vous, le prédateur
"naturel" de la blatte et vous permet de localiser avec précision
les zones où il vous faudra frapper si votre sens de la propriété
est plutôt individualiste.
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*Pour vous récompenser
de votre fidélité, tante Agathe a suggéré de
mettre à votre disposition une page bonus, sur la manière
dont vous pouvez mener une opération anti-blattes
si le besoin s'en faisait sentir chez vous.
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Ainsi, nous vous proposons de découvrir une
application pratique de l'éthologie!*
Nous pouvons retenir que les taxies peuvent se classer selon
les les stimuli-déclencheurs qui sont à la source de la réponse
comportementale:
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la phototaxie: réaction à
la lumière.
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la phonotaxie: orientation en fonction
d'une source sonore. Ainsi, le criquet est doté d'un appareil auditif
particulièrement performant qui permet, en période de reproduction,
à la femelle de reconnaître les stridulations d'un mâle
de même espèce et d'y répondre par phonotaxie positive,
c'est à dire en s'approchant de la source sonore.
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la géotaxie: générée
par le sens de la pesanteur, les animaux ayant tendance à se diriger
vers ou contre le sens de la pesanteur.
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l'hygrotropisme: recherche de la région
dont l'humidité convient le mieux à l'animal
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les chimiotaxies: elles déclenchent
des réactions très variées et sont souvent impliquées
dans le déclenchement de comportements de reproduction ou de nutrition.
Il s'agit des comportements induits par la détection de substances
chimiques (comme les hormones) dissoutes dans le milieu ambiant (air ou
eau). Le comportement le plus connu de chimiotaxie est celui du Bombyx
du mûrier (Bombyx mori), sensible à des doses infinitésimales
de bombycol, substance sécrétée par la femelle vierge
et qu'il peut détecter à plusieurs kilomètres de distance.
Une seule molécule de bombycol suffit à exciter les récepteurs
olfactifs des antennes du bombyx mâle et à déclencher
le comportement de localisation de la femelle.
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le thermotropisme: orientation en fonction
de la température la mieux adaptée.
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le galvanotropisme: orientation en
fonction d'un champ électrique
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le rhéotropisme: recherche des
courants d'eau rapides, comme chez les truites en eau vive.
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le halotropisme: recherche des eaux
salées, comme chez les anguilles à maturité sexuelle.
La part des taxies et des tropismes dans les comportements d'une espèce,
dépendent du niveau de développement psychique de cette espèce.
C'est à dire que les comportements instinctifs jouent un plus grand
rôle dans les espèces à faible développement
psychique que chez les Animaux supérieurs.
Les comportements
acquis
Comme nous l'avons vu dans le chapitre consacré à la biologie
du comportement, la part de l'acquis dans le comportement d'un animal augmente,
au fur et à mesure que cet animal est doté d'un plus fort
développement psychique, c'est à dire d'un système
nerveux central (SNC) complexe.
L'acquis est le produit des informations , des
apprentissages et des expériences, acquis durant l'ontogenèse,
qui sont stockées dans la mémoire individuelle et qui influenceront
les comportements ultérieurs.
Les comportements acquis permettent à l'individu de s'adapter
rapidement aux changements de l'environnement de l'espèce. Cependant,
les aptitudes d'apprentissage d'une espèce, sa plasticité,
sont, elles, déterminées de manière innée,
elles sont inscrites dans son patrimoine génétique.
On distingue plusieurs formes d'apprentissage:
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Le mode le plus courant d'apprentissage en milieu naturel se fait selon
la méthode dite de "essai-erreur". C'est un apprentissage
qui résulte d'une action ou d'une situation de type accidentel.
C'est probablement par ce type d'apprentissage que les mésanges
charbonnières et les mésanges bleues de Grande-Bretagne,
sont parvenues à intégrer le lait dans leur alimentation
courante. En effet, ces animaux ont appris à percer la capsule des
bouteilles de lait qui sont traditionnellement déposées le
matin à la porte des maisons.
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L'imitation est aussi une forme très répandue d'apprentissage,
bien qu'elle soit circonscrite aux espèces disposant d'un système
nerveux central suffisamment complexe, comme les Mammifères et plus
particulièrement chez les Primates.
C'est ainsi, que sur l'île de Koshima, les
biologistes japonais modifièrent le comportement alimentaire de
la colonie de macaques (Macaca Fuscata) qui vivait là. Ils
jetèrent des patates douces sur la plage, qui n'est pas un territoire
coutumier de ces animaux. L'un d'entre eux, Imo, âgé de deux
ans, commença à laver les patates douces dans l'eau de mer
avant de les manger. Les autres singes de la colonie finirent, par imitation,
par reproduire le même comportement alimentaire. il est intéressant
de noter que cette colonie finit par prendre possession de ce nouvel habitat,
le bord de mer, et y acquirent de nouveaux comportements adaptés
à ce nouveau milieu, comme la nage, la découverte et le traitement
innovateur de nouvelles sources de nourriture.
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Le cas des macaques japonais nous renvoie à une autre forme d'apprentissage,
par tradition, ce qui est une forme de proto-culture. En effet,
les jeunes femelles qui imitèrent le comportement alimentaire de
Imo, le transmirent, une fois adultes, à leurs petits, ce qui fait,
qu'au fil des générations, ce comportement devint commun
à tout le groupe.
(à suivre)